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« Il neige sur le pianiste », de Claudie Hunzinger, Grasset, 224 p., 20 €, numérique 15 €.
Il neige sur le pianiste : le titre du nouveau roman de Claudie Hunzinger peut sembler un peu étrange, qui rappelle d’abord celui du film de François Truffaut, Tirez sur le pianiste (1959), dont on se souvient peut-être des images finales, en noir et blanc, dans un paysage de montagne enneigée… Cette étrangeté va bien au livre, en vérité, et à l’univers d’une écrivaine assez inclassable, qui place ici son récit sous le signe de Tristram Shandy, de Laurence Sterne (1713-1768) : « Je me sens une grande envie de commencer ce chapitre par une folie, et je ne vais pas la contrarier », annonce ainsi l’épigraphe, qui a valeur de passeport pour un libre et très singulier voyage sentimental.
C’est aussi un voyage d’hiver, dans une maison aux abords de forêts vosgiennes centenaires, familières aux lecteurs de Claudie Hunzinger, qu’on reconnaîtra sans peine sous les traits de la narratrice, une romancière un peu âgée, soucieuse du lien avec la nature, amatrice de Jean-Sébastien Bach (1685-1750) et guère avare de considérations digressives. La voici donc qui accueille chez elle deux invités : un petit renard blessé errant dans les environs, tel le gimmick malicieux du monde animalier qu’elle chérit tant, et, plus surprenant, un pianiste apatride de renommée internationale que les circonstances amènent à séjourner dans cette maison heureusement pourvue d’un Steinway.
Le pianiste est beau, d’une sensualité un peu spéciale, comme « un Robert Walser glamour sans le faire exprès ». Il est évidemment virtuose, parcourt le monde de concert en concert et ne doit, a priori, passer qu’une nuit chez la romancière, suivant les recommandations lointaines d’une amie. Peu importe, en réalité, les circonstances qu’invente l’intrigue pour conduire à cette situation de conte, où se trouvent réunis une dame, un jeune prince et un joli renard dont on devine les pouvoirs d’enchantement, un peu semblables aux vertus presque angéliques du chien dans le roman précédent de Claudie Hunzinger, Un chien à ma table (Grasset, 2022). Celle-ci, du reste, a bien conscience du possible effet de répétition : « Ce renard arrivé un soir dans ma vie était devenu très important sans que j’y prenne garde. Je m’étais dit, je lui ferais une belle place. Encore un animal, tant pis. Je n’avais pas oublié qu’il avait tracé autour de la maison quelque chose comme un cercle magique m’annonçant une nouvelle histoire. Magique, vraiment ? Oui. »
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